Pouvons-nous faire des prix à « la tête du client » ?


Cette question beaucoup d’entreprises se la posent. Est-ce que j’ai le droit de différencier mes prix selon mes clients ? 

Dans les milieux des foires, marchés, brocantes, cette question ne se pose pas car elle fait partie intégrante de la vente. Nous avons tous été confrontés au marchandage avec un vendeur sur un « vide grenier » pour l’achat d’un bibelot. Ce serait même presque « anormal » de ne pas vouloir négocier le prix à la baisse. Les vendeurs utilisent cette stratégie depuis des siècles pour nous faire croire que nous avons fait la bonne affaire.

Chez nos concessionnaires automobiles, nous faisons face à un système de tarif public. Chaque modèle a un prix défini auquel vient s’ajouter le prix des options. En théorie, le véhicule choisi a donc un prix de vente initial identique pour deux clients distincts qui aurait décidé d’acheter ce modèle. Or, en sortant de la concession, les deux clients auront payé un prix différent. La différenciation tarifaire aura eu lieu au moment de la négociation de la remise. Dans ce cas, nous avons nos deux clients qui achètent le même produit mais à des prix différents. La différenciation ne se fait pas sur le tarif de base mais sur les remises.

C'est le même système qui existe en BtoB dans le milieu industriel. Les produits ont un tarif public auquel vient s’adjoindre un système de remise plus ou moins intéressant suivant les volumes d’achats réalisés par le client. Il est courant de voir des remises de l’ordre de 80%, voir plus, sur un tarif. Quand est-il alors du client final ? De son côté, il peut avoir connaissance du tarif public. Son fournisseur va même le lui communiquer et lui faire un rabais généreux de 50 %.

Tous les protagonistes ont le sentiment d’avoir bien négocié leurs achats car ils ont eu des remises de plusieurs dizaines de pourcents. Le but du vendeur est de donner le sentiment aux acquéreurs qu’ils font une bonne affaire, et de leur côté, les acheteurs veulent avoir la plus grande remise possible. Tous les protagonistes pensent avoir fait une bonne affaire, mais au final quel était le coût réel du produit ? et quelle est la différence avec le prix payé par l’acheteur ?

Dans la grande distribution, la différenciation des prix est beaucoup plus subtile. Voir même, le consommateur n’a pas toujours conscience qu’il paye les produits à des prix différents. Nos portefeuilles, nos trousseaux de clés, nos smartphones sont envahis de petites cartes plastiques ou virtuelles avec les logos de nos grandes enseignes. Ces cartes de fidélité nous ouvrent les portes de ristournes ou de cumuls de sommes d’argent que nous pouvons utiliser à tout moment. Mais en y réfléchissant un peu, n’est-ce pas un système de remise indexé sur notre volume d’achat ?

Aujourd'hui le législateur met en place des règles afin de limiter les promotions excessives sur les produits alimentaires vendus dans la grande distribution. Au 1er janvier elles sont limitées à 34 % maximum afin de préserver les producteurs. Mais le législateur n’a pas pris en compte nos cartes de fidélité. Que se passera-il quand nous allons passer en caisse et utiliser le solde de notre carte pour payer notre kilo de carotte ? Au mieux nous n’aurons rien à débourser car notre cagnotte couvrira le prix initial, au pire on s’acquittera du montant dû. Mais qu’en est-il de la limitation à 34 % ?

Toutes nos entreprises n’en sont pas au même stade de maturité de leur stratégie de prix, certaines se posent la question du « puis-je différencier mes prix ?» d’autres en sont au « comment est-ce que je peux le mettre en place ? » et pour les plus avancés la question est « comment puis-je améliorer ma différenciation pour optimiser mes marges ?». Nous sommes dans un système de consommation ou chacun d’entre nous souhaite avoir un produit ou un service entièrement personnalisé. Fini les Ford T sans option, produite en masse et vendu au même prix.

A partir de ce constat, quoi de plus aisé pour nos entreprises que de mettre en place une différenciation de prix, puisque chacun des consommateurs pense avoir un produit unique et personnalisé.

Ford modèle T